vendredi 16 janvier 2009

…dans le grand salon avec le revolver, Samuel

Mon nom est Francis Germain, j’ai quarante-quatre ans. Je suis médecin légiste dans le département de la Garonne. Je vais vous raconter une histoire à laquelle j’ai été mêlé et qui a changé ma vie :
Philippe Narjac était inspecteur de police à Toulouse. Il avait pour habitude en se levant, d’aller dans sa cuisine, de se préparer un chocolat chaud et des tartines. Lorsqu’il avait terminé son petit déjeuner, il prenait sa douche, s’habillait, prenait ses affaires, fermait son appartement et filait aux bureaux de la police à vélo.
En ce samedi 23 décembre, la neige tombait à gros flocons sur la ville rose. L’inspecteur se leva de très mauvaise humeur. Il se rendit dans la cuisine en traînant des pieds. Il avala son lait de travers et ne prit même pas soin de se laver. Philippe enfila sa veste en velours noir, ses gants en laine, son écharpe et son bonnet. Le jeune homme ferma son domicile à clef, descendit les escaliers, enfourcha sa bicyclette et se rendit au commissariat. Il posa sa veste et son bonnet dans son casier et se dirigea vers les bureaux. Un homme d’âge mûr lui ouvrit :
« Bonjour inspecteur.
- 'Jour Larrot, soupira ce dernier.
- Ça ne va pas Philippe ? demanda le policier.
-J’ai simplement mal dormi, répondit l’inspecteur. »
Narjac s’installa à son bureau. Il remarqua que son voisin, monsieur Barnier, qui est aussi mon cousin, était absent. Il questionna Larrot :
« Jean ne viendra pas aujourd’hui ?
- Non, répondit le brave homme, il doit être malade. »
Soudain, le téléphone sonna. Un policier décrocha :
« Ici le commissariat Toulouse en Garonne j’écoute.
- …
- Quoi ! Nous arrivons tout de suite ! »
L’homme expliqua à ses collègues que monsieur Barnier avait été retrouvé mort par sa femme dans son salon. Les policiers coururent vers les voitures. Les véhicules démarrèrent. Lorsqu’ils arrivèrent devant la maison de la victime, les hommes descendirent. Narjac demanda à deux hommes de surveiller l’entrée et aux autres de le suivre. La maison était construite en briques rouges et grises. La porte en bois verni trônait fièrement au milieu de la façade. Deux fenêtres ornaient le mur : l'une à droite, l'autre à gauche. Les rideaux tirés empêchaient de voir à l'intérieur. Le toit à deux pans était couvert de tuiles. L'allée qui menait à la bâtisse était en graviers blancs. A l’intérieur, ils découvrirent le corps de mon cousin dans le salon de son domicile. La pièce était sombre et éclairée par une lampe. Au milieu du salon, le défunt était assis sur le canapé. Sa tête était penchée en arrière et son teint était livide. Il avait deux trous rouges au côté droit. Sur le buffet de marbre, de la cire écarlate coulait d’un chandelier en or renversé. Monsieur Barnier portait un costume noir et une cravate. Narjac demanda à voir la femme de la victime. Une jeune dame à la chevelure brune et soyeuse se présenta devant l’inspecteur. Elle avait les larmes aux yeux. Lorsqu'elle arriva, l'enquêteur éternua brusquement :
« Ça ne va pas, inspecteur ? demanda la femme, bouleversée.
- Je suis... atcha !... simplement allergique aux poils de chat, répondit l'homme.
- Ah ! C’est bizarre, nous n’avons pourtant pas de chat à la maison.
- En effet, très bizarre, peut-être une chance pour l’enquête...Je suis désolé pour votre mari et de devoir vous interroger. Je pense que, d'un simple regard, vous pouvez me dire s'il manque un objet dans votre domicile.
- En effet, l'héritage du grand-père de mon mari qui lui a été légué : une petite pochette vert pâle qui contenait 25 000 euros, répondit la dame.
- J’ai également quelques questions à vous poser, expliqua le policier.
- Allez-y, déclara madame Barnier.
- Votre mari était-il différent ces derniers temps ? demanda Philippe.
- Oui, chaque jour il était un peu plus déprimé et il ne voulait pas me dire pourquoi. Un jour, je réussis à intercepter une lettre anonyme. La voici, sanglota la jeune femme en tendant un morceau de papier à Narjac. »
L’inspecteur ouvrit le document. Voici ce qui y figurait :
Barnier,
Ta dernière heure est proche.
Signé XXX
- Non, je ne me souviens de rien, répondit la femme.
- Cherchez bien, insista l’inspecteur.
- Ah ! s’exclama-t-elle. Je me souviens qu’il s’était disputé avec un homme qui est venu il y a longtemps pour parler d’argent avec Jean.
- Comment s’appelle-t-il ? demanda Philippe.
- Il s’appelle … Florent Claré, je crois. »
Le policier remercia la dame et sortit de la pièce. A l’extérieur, il découvrit l’équipe de médecins légistes à laquelle j’appartenais. Je vins vers lui :
« Bonjour, lui dis-je. Mon nom est Francis Germain ; je suis un cousin de la victime.
- Je suis désolé pour vous, répondit-il sans vraiment faire attention à ce qu’il disait. »
L’inspecteur monta dans sa voiture et se rendit au commissariat. Il arriva devant le bâtiment, sortit du véhicule et se rendit aux bureaux. Il entra dans la pièce, prit l’annuaire, chercha quelques minutes, puis décrocha le téléphone, composa un numéro et attendit. Un homme lui répondit :
« Allô, ici Florent Claré, qui est à l’appareil ?
- Je suis Philippe Narjac, inspecteur de police à Toulouse. Je suis chargé de l’enquête sur le meurtre de Jean Barnier.
- Comment ? Il est mort ? Et qu’avez-vous à me demander ? demanda la voix.
- J’ai appris par la femme de Barnier que vous vous étiez querellés il y a quelques temps. J’aimerais savoir si vous aviez gardé contact depuis ?
- Oui, répondit monsieur Claré, mais pas de bons contacts. Je le haïssais et lui aussi. Mais je suis content que quelqu’un d’autre que moi en ait fini avec lui.
- Pourquoi ? questionna le jeune homme.
- Sacrilège ! On m’accuse maintenant ? s’écria l’homme.
- On ne vous accuse pas, rectifia Narjac. On vous suspecte. Bon, ce sera tout pour le moment, au revoir. »
L’inspecteur était heureux d’en avoir fini avec Claré. Il s’habilla, monta dans sa voiture et se rendit sur le lieu du crime. Il y découvrit Jérôme Retter, un ancien camarade de lycée de la victime. Philippe s’avança vers lui pour le questionner :
« Bonjour, mon nom est Philippe Narjac. Je suis chargé de l’enquête et j’aimerais savoir ce que vous faites ici.
- Ce que je fabrique là, mais je suis simplement venu pour rendre un dernier hommage à ce bougre, répondit le brave homme.
- Vous connaissiez Jean Barnier ?
- Oui, j’étais son ancien camarade de lycée, et à vrai dire, je ne l’aimais pas trop, expliqua Retter.
- Et pourquoi donc ?
- Il était vantard et radin.
- Je vous laisse, déclara l’inspecteur, je dois continuer mon enquête. Au revoir. »
Narjac se rendit à l’intérieur de la maison où il me trouva accroupi sur le tapis en train d’examiner le corps de la victime.
« Quoi de neuf ? me demanda-t-il.
- Nous savons maintenant qu’il est mort vers 22 heures 50. Il a été tué par des balles, lui répondis-je, du 5 millimètres.
- Je suis sincèrement désolé, soupira-t-il. Mais au fond, l’aimiez vous vraiment ?
- Non. Il aimait trop l’argent. Il était avare et ne pensait qu’à lui. Tout le contraire de moi, lui dis-je en ouvrant ma blouse. »
Le jeune homme acquiesça.
« Vous l’auriez tué pour cela ? me questionna-t-il.
- Non, bien sûr, c’était un proche, un membre de ma famille comme un autre.
- Merci et au revoir, déclara-t-il. »
L’inspecteur sortit de la bâtisse, monta dans la voiture et rentra chez lui. Sa journée était terminée. Lorsqu’il arriva dans son appartement, il prit un plat cuisiné dans le réfrigérateur, le mit à réchauffer. Quand il eut terminé de manger, il alla se coucher.
Le lendemain matin, Narjac descendit les escaliers et ouvrit sa boîte aux lettres. Il y trouva simplement une petite enveloppe. Il l’ouvrit. Voici ce qui y figurait :
Toulouse, le 23/12/96
Rendez-vous demain soir vers 22 h au parc de la Libération. J’ai des informations à vous communiquer. Venez seul. Entrée sud.
Maria Barnier

Le jeune homme lut le document, le rangea dans sa poche. Il se rendit sur le lieu du crime. Ce dernier y découvrit alors Florent Claré en grande conversation avec Antoine Larrot :
« Que se passe-t-il ? demanda Narjac au policier.
- Il se passe que nous avons trouvé le coupable. En effet, le revolver de monsieur Claré (il pointa alors du doigt le coupable présumé) a été retrouvé au milieu du jardin de la victime. Le voici, expliqua Larrot.
- Florent Claré n’est pas coupable pour le moment, la preuve est entre vos mains, déclara l'inspecteur.
- Comment pouvez-vous en être sûr ? questionna Larrot.
- Le pistolet que vous tenez tire des balles de 7 millimètres et non pas du 5 millimètres. »
Le policier lâcha le suspect et s'excusa. Narjac retourna me parler :
« Qu'avez-vous appris sur le crime ? me demanda le jeune enquêteur.
- Rien de plus qu'hier, lui répondis-je tristement.
- Je vous promets que le coupable sera démasqué et que vous serez vengé.
- Merci, à bientôt, déclarai-je. »
Narjac remonta dans sa voiture et rentra chez lui pour préparer ce dont il aurait besoin pour la soirée au parc. Il emporta un plan, une lampe torche (car il risquait de faire nuit), un carnet et un stylo à bille. Il prit ensuite son manteau, son écharpe, ses gants et se dirigea vers son lieu de rendez-vous. Il était 21 heures 56. Les lourdes grilles du parc étaient encore ouvertes. Narjac attendit. Il faisait sombre. Soudain, un craquement se fit entendre. L'inspecteur paniqua. Il tira son petit revolver de sa poche. Il était prêt à tirer sur tout ce qui bougerait. La voix de Maria Barnier émit un son à peine audible:
« Inspecteur, êtes-vous là ? »
Soudain, un coup de feu retentit. La jeune femme s'écroula. Narjac courut dans la direction du coup de feu. La jeune femme expliqua d'une voix faible:
« Je ... je... je connais le... le coupable. C'est... »
Sa voix s’éteint. Madame Barnier était morte. Narjac sortit son portable et appela Larrot. Il lui expliqua la scène. Quelques minutes plus tard, une voiture de la police et un camion de la police scientifique arrivèrent. Le médecin légiste en chef descendit le premier et allongea le corps de la défunte sur un brancard. Plus tard, l'enquêteur envoya chercher Florent Claré et Jérôme Retter. Une demi-heure après, le véhicule revint. Narjac décida d'interroger Claré en premier :
« Vous n'aimiez pas Maria Barnier.
- Pas plus que son mari, répondit le suspect tout endormi.
- L'auriez-vous assassiné pour cela ? interrogea l'enquêteur.
- Je ne pense pas, soupira Claré, las de répondre aux questions de l’enquêteur à une heure si matinale.
- Nous allons vous raccompagner chez vous, merci de ce témoignage. »
Deux policiers en uniforme empoignèrent l'homme et le ramenèrent à son domicile. Pendant ce temps, Narjac interrogea Retter mais n'apprit rien d'autre. Le second suspect retourna à son domicile escorté par deux policiers. L'enquêteur rentra chez lui et s'endormit paisiblement. Le lendemain matin, Narjac se rendit au commissariat. Il trouva une lettre cachetée de cire fushia. Il l'ouvrit. Voici son contenu :
Cher monsieur Narjac,
Je vous invite pour le réveillon vers 20 heures 30. J'habite au 45 rue de la République à Toulouse.
A bientôt,
Francis Germain

Narjac m'appela :
« Bonjour, déclara-t-il. Je viens de recevoir votre lettre et je vous remercie. Je viendrai.
- Merci, et au revoir, lui répondis-je. »
A midi, les policiers mangèrent le repas de noël. Les quelques jours suivants passèrent très vite. Le 31 décembre arriva. Vers 20 heures 15 l'enquêteur sonna à ma porte. Je lui ouvris. Il me demanda :
« Où puis-je poser ma veste ?
- Venez je vous emmène. »
Nous arrivâmes au portemanteau. Soudain, mon invité éternua :
« Que se passe-t-il ? lui demandai-je.
- Je suis allergique aux poils de chat.
- Ah ! Ce doit être Patou, mon chat, lui expliquai-je en tournant la tête.
- Je ne sais pas où est votre chat, mais je sais où est l’élément qui perdra le coupable ! ricana-t-il.
- Comment ? répliquai-je.
- La cire, là, sur votre veste, sur la manche de votre vêtement… déclara-t-il.
- Qui l'a mise là ? me défendis-je.
- Vous, je le crains. La cire ici présente est de couleur écarlate.
- C’est normal, vous avez dû voir que j’ai l’habitude de cacheter toutes mes lettres, je vous en avais envoyé une.
- Oui, j’en suis conscient, mais la cire avec laquelle vous cachetez vos enveloppes est de couleur fushia alors que celle retrouvée chez Barnier ainsi que sur votre veste est rouge écarlate, déclara-t-il.
- Vous m'accusez maintenant ! m'exclamai-je.
- En effet.
- De quel meurtre ? Du premier, du deuxième ou des deux ?
- Du premier je suis sûr et peut être de l'autre, expliqua-t-il sur un ton provocateur.
- Comment… Comment savez-vous ? m'égosillai-je.
- Primo, La pochette de votre grand-père que vous aviez dans votre veste alors que vous m'aviez dit que vous n'aimiez pas l'argent, je l'ai aperçue lorsque vous avez enlevé votre veste chez Barnier. Secundo, cette cire trouvée sur votre veste. Enfin, ces poils de chat qui m’ont fait éternuer chez Barnier alors qu’il ne possédait pas de chat. Pure coïncidence, j’éternue chez vous et vous possédez un chat. C’est donc vous qui aviez amené ces poils chez la victime.
- Je ne l'ai pas tué, c'est l'alcool qui l'a tué. J'avais trop bu ce jour-là. Mais ces lettres de menace alors ?
- J'avoue que je n'ai pas encore éclairci ce mystère, répondit-il.
- Je les ai tués tous les deux. D'abord mon cousin, puis sa femme. Maria me détestait. Lorsqu'elle a voulu vous parler au parc, j'étais sûr qu'elle allait m'accuser, alors je l'ai tuée. »
Les cloches sonnèrent. Narjac m'accompagna jusqu'à la porte. Il l'ouvrit en me disant : « Joyeuse année 1997 ! ». Nous apprîmes par la suite que Florent Claré était l’auteur des lettres de menace à Jean Barnier.
Voici mon histoire. Demain je serai jugé.

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